Céline Bouder, logisticienne à la Scarmor

"En logistique, rien n'est acquis mais on arrive parfois à faire des miracles..."

La Scarmor, centrale d'achat parmi les 16 coopératives qui constituent le groupement Leclerc, est un véritable centre névralgique avec plus de 200 salariés dédiés à l’optimisation et à la performance des 41 magasins de son territoire. Céline Bouder en est la logisticienne, une sorte de chef d'orchestre des flux de marchandises en transit dans les entrepôts. Un métier à la pointe de la recherche et du développement qui passionne cette jeune femme, toujours prête à relever de nouveaux défis. Aujourd'hui, elle permet à la Scarmor d'être l'une des entreprises pilotes en matière de déploiement de la RFID, un usage technologique qui suscite l'intérêt du Ministère de l'industrie... Interview :

 

Bretagneauccoeur : Quelle formation faut-il pour devenir logisticienne ?

Céline Bouder : J’ai suivi un cursus à l’Institut de formation de Saint-Pol de Léon spécialisé dans les métiers de la grande distribution. J’ai obtenu un Master pro Management des chaînes globales logistiques… Mais ce n’est pas vraiment ma formation initiale. En fait, je suis titulaire d’un doctorat en électronique avec un thème de thèse très spécifique : « La détermination automatique des paramètres d’une transmission numérique par étalement de spectre par séquences directes dans un milieu non coopératif ». Pour simplifier, comment intercepter et décoder des transmissions émises par ondes, comme celles des téléphones portables par exemple. Vous me direz, c’est un champ d’investigation qui semblerait plus intéresser les renseignements généraux que la grande distribution… et pourtant, aujourd’hui ces recherches en ingénierie électronique me sont utiles.

 

BAC : Alors, quel parcours vous a mené jusqu’à ce poste pour la Coopérative des Leclerc Scarmor ?

C.B. : J’ai d’abord donné des cours à l’Université avant de devoir me rendre à l’évidence : le marché de l’emploi pour les ingénieurs en électronique était gelé. Mon niveau d’études était même souvent considéré comme trop élevé pour certains employeurs. Il fallait changer d’orientation. Ce que j’ai fait après un entretien à la CCI, notamment avec mon prédécesseur en Scarmor,... mais ça je ne le savais pas encore. J’ai donc suivi ma formation à l’Isffel en alternance et suis sortie major de ma promo. Après, tout est allé très vite. J’ai travaillé six mois dans une start-up comme ingénieur en logistique avant d’être appelée par celui à qui j’allais succéder pour devenir logisticienne de la Scarmor. La transmission de poste s’est déroulée en un mois, mais il n’en fallait pas plus car c’était un homme extrêmement bien organisé.

 

BAC : Quelles sont les missions d’une logisticienne ?

C.B. : Depuis 2007, je gère prioritairement les flux de marchandises entrants et sortants des sept entrepôts externes et en second lieu, ceux de nos deux entrepôts internes (Landerneau et Le Relecq Kerhuon). Je fais en quelque sorte l’intermédiaire entre les GT* commerciaux et les entrepôts pour gérer les flux.

Mais ils ne s’agit pas simplement de gérer des stocks, il faut avant tout déterminer les placements en entrepôts selon les tarifs négociés. Il y a des barèmes quantitatifs que les fournisseurs imposent et qui vont déterminer le flux logistique. En fait, tout dépend du type de commande. Si c’est avec stock, la gestion se fait en interne, mais s’il s’agit de flux tendus, il faut voir avec le fournisseur les conditions en départ ou franco de port et jusqu’où ? C’est souvent le nombre de palettes qui va déterminer les choix, mais aussi les produits concernés : le frais doit être acheminé et livré plus rapidement que toute autre marchandise.

Concrètement, il y a trois étapes essentielles à comprendre :

1- L’acheteur mène les négociations auprès des fournisseurs

2- Le GT commercial concerné reformate le dossier et s’engage sur des volumes

3- La logisticienne : détermine le schéma logistique de la marchandise pour acheminement, réception, répartition, livraison.

En 2010, tout type de produits confondus, il y a eu plus de 44 millions de colis traités en Scarmor dont 24 millions en interne.

(* GT = groupe de travail)

Avec la RFID, plus de code barre mais un identifiant unique intégré pour chaque colis
Avec la RFID, plus de code barre mais un identifiant unique intégré pour chaque colis

 

BAC : du tout numérique mais aussi du Drive, quels sont les outils d’avenir en terme logistique ?

C.B. : Assurément, le RFID : le Radio frequency identification data. C’est une technologie qui a un avenir prometteur dans différents domaines et remplacera un jour le code-barre. Nous travaillons actuellement sur un pilote en cours de déploiement qui permet d’identifier via une puce électronique, chaque palette. Cette étiquette dite intelligente permet à chaque unité d’avoir son identifiant unique par l'interprétation du signal radio émis par la puce électronique. Cela permet de réconcilier le flux physique et le flux d’information du magasin pour un stock à jour en temps réel. C’est une technologie extrêmement précieuse pour le Drive par exemple, qui est un service exigeant sur les connaissances des stocks. La commande est validée avec un délai minimum de 2 heures seulement avant livraison. A l’avenir, il sera possible de réduire encore ces délais avec une gestion de stock automatisée et donc accélérée. C’est une puce qui est lisible sur tous les supports et par des lecteurs standards. Cela permet également une réduction des coûts de fabrication.

Actuellement nous déployons cette technologie sur l’ensemble de nos entrepôts en interne avec la majorité des prestataires favorables à l’intégration de ce nouvel outil dans leur mode de travail. Nous sommes certes précurseurs dans ce domaine, mais il s’agit aussi d’être normatif et d’opérer cette migration d’outil avec souplesse. La mise en place opérationnelle est prévue pour fin 2012.

 

BAC : Finalement, la boucle est bouclée. L’ingénieur électronique et la logisticienne ne font plus qu’une en Scarmor… Alors aujourd’hui, qu’est ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

C.B. : La logistique pour moi, c’est trouver l’équilibre entre les services perçus en magasin et les coûts réels. La relation clients est primordiale pour rester pertinent et il faut assurer une veille concurrentielle permanente pour maintenir les coûts au plus bas. Chaque jour est l’occasion de remettre en question les schémas logistiques. Un blocage d’entrepôt et c’est un nouveau chemin à construire : dévier les commandes, changer d’entrepôts, activer la solidarité entre magasins… on arrive parfois à faire des miracles !

C’est un métier qui demande bien-sûr de l’organisation, mais aussi une bonne résistance à la pression. Il faut savoir s’adapter à toutes les situations, prendre le recul nécessaire sans totalement se détacher.

Dans tout ce que je fais, je garde comme ligne de conduite, l’un des commandements de la Centrale : "obtenir le meilleur prix pour la coopérative". Il ne faut pas prendre les choses pour soi et ne pas perdre de vue que l’on travaille pour une collectivité.

 

BAC : Comment voyez-vous l’avenir de votre métier ?

C.B. : Il y a encore beaucoup de choses à faire et de projets à entreprendre, notamment avec toutes les mesures en faveur du développement durable. Il faudra envisager là une restructuration des schémas logistiques pour répondre à un milieu très contraint. Cela génère beaucoup d’innovations auxquelles il va falloir répondre. Le mouvement Leclerc s’inscrit dans une dynamique éminemment environnementale que j’appréhende du point de vue de mon métier, comme de nouveaux challenges à relever.

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